Crues journalières
Dans les bassins-versants de montagne, on observe des variations importantes du débit au fil de la journée à la période de la fonte des neiges. Cette variation est tellement brutale qu’on peut parler de crue journalière. Comme ces crues dépendent de la fonte des neiges et des glaciers, leur débit de pointe est fortement dépendant de la température et du rayonnement solaire. Lorsqu’il fait chaud, il n’est pas rare que le débit de la Navisence double au cours de la journée. En l’absence de précipitations, le débit le plus faible a généralement lieu entre 8 et 10h à Zinal, alors que le débit de pointe est observé en fin d’après-midi entre 17 et 19h.

En fonction des débits d’eau et de sédiments, ces crues successives peuvent provoquer des petites modifications du lit (érosion de bancs, dépôt de sédiments fins), mais n’ont généralement aucun impact en dehors du lit mineur de la rivière.
Crues saisonnières et morphogènes
On parle de crue morphogène (littéralement, ce qui crée la forme) lorsque la crue remodèle en grande partie la morphologie du lit. Cela ne se produit que lorsque le débit liquide est suffisamment élevé pour détruire les structures morphologiques en place. On observe alors des changements de la morphologie du lit : apparition de nouveaux bras, érosion de berge, modification du tri granulométrique. Après un tel événement, la rivière est souvent méconnaissable, sa géomorphologie ayant subi un profond remaniement.
Au niveau des Plats de la Lé, on estime que le débit critique à partir duquel se produit une telle crue est supérieur à 30 m3/s, une valeur qui ne peut être atteinte sans le concours de précipitations abondantes. Pour les crues saisonnières dont le débit est inférieur, on peut déjà observer localement des modifications de la morphologie du lit comme l’apparition d’un nouveau bras et la mort d’un ancien bras.

Au moment où cette photo a été prise, le débit mesuré était de 71 m3/s.
Fréquence d’occurrence
Si on considère que les crues morphogènes se produisent en moyenne une à deux fois par décennie, il s’en est produit quatre sur la Navisence depuis 2013. Les conditions d’occurrence d’une crue morphogène se présentent dès que les trois facteurs suivants sont réunis : une température élevée, une grande quantité de neige encore présente sur les sommets, et des fortes précipitions sur le bassin-versant (d’intensité moyenne sur une longue durée ou bien des précipitations orageuses, brèves mais intenses).
2024 : deux crues morphogènes en huit jours !
La Navisence a subi deux crues morphogènes en l’espace de huit jours, les 21 et 29 juin 2024 (voir ici nos photos). Le débit maximum enregistré à Zinal était de 74 m3/s le 21 juin et de 63 m3/s le 29 juin. Le débit étant redescendu en dessous de 10 m3/s pendant plusieurs jours, il s’agit bien de deux événements distincts.
La vidéo ci-dessous permet d’observer le comportement de la rivière pendant ces événements. A partir de 17h50, la Navisence « avale » la rive droite à vitesse grand V : sur une distance d’environ 100 mètres , 2 mètres de la rive disparaissent chaque 10 minutes !
Crues morphogènes sur les Plats de la Lé à Zinal, les 21 et 29 juin 2024. La date et l’heure des images sont indiquées en bas à droite. Les touches , et . permettent d’avancer image par image.

Bas : section en travers, comparaison entre le 11.06.2024 (rouge) et le 05.07.2024 (bleu). La largeur du lit est passée de 43 à 61 m à cet endroit, et la rive droite a subi une érosion de près de quatre mètres !
Nos mesures effectuées après ces événements mettent en évidence une accumulation importante de matériaux, le plus souvent au centre du lit. Les extensions latérales du lit ont provoqué une érosion importante des berges, parfois sur plusieurs mètres de hauteur, comme en témoigne la section en travers ci-dessus.
Comparaison entre le 11.06.2024 et le 26.06.2024 (cliquez sur l’image et déplacez le curseur). Cliquez ici pour ouvrir en grand dans une nouvelle fenêtre.
Lors de la crue exceptionnelle du 21 juin, la largeur moyenne du lit majeur est passée de 62 à 72 mètres, ce qui représente une augmentation de 16 %. Les orthophotos ci-dessus permettent de comparer l’état de la rivière avant/après la crue.
Huit jours plus tard, le 29 juin, une nouvelle crue causée par d’intenses précipitations entraîna de nouveau une érosion des berges. La largeur moyenne du lit majeur est passée de 72 à 76 mètres, soit une augmentation de 6 %.
Comparaison entre le 26.06.2024 et le 05.07.2024 (cliquez sur l’image et déplacez le curseur). Cliquez ici pour ouvrir en grand dans une nouvelle fenêtre.